Elle le traquerait. Dû-t-elle louer un bateau pour l'avoir!
L'esprit vengeur et l'âme guerrière, Naïka avançait d'un pas décidé dans les brumes du port de Briskel, la capitale de Nelendark. Rien ne l'arrêterait, c'était ainsi depuis sa naissance: elle évoluerait quels que seraient les dangers, les lois, les volontés des dieux!

La jeune Néko portait une cape très large par dessus ses vêtements simples. Son pantalon de toile brune et son haut sans bretelles ne lui tenaient pas chaud mais elle n'était pas frileuse de par son tempérament et sa race. Sa cape lui permettait de se promener sans que son immense arbalète ne soit trop visible. Cela évitait des questions embarrassante et donc une perte de temps et de patience. Attachée par de larges sangles, l'arme de jet dépassait de part et d'autre de son corps effilé et souple mais elle ne jouait pas le rôle d'un objet qui attire l'oeil. Par contre, Naïka ne cachait absolument pas son long bâton de fer terminé par une boule. Elle l'avait accrochée à son flanc de manière oblique, comme une épée mais attachée plus haut et plus fermement pour éviter qu'elle ne touche le sol. A sa ceinture, ses potions habituelles ballotaient sans bruit.

La chasseuse c'était levée tôt ce matin pour partir en mer. Le regard dur, elle marchait vite. Aussi elle ne vit pas venir à cause de la brume un Elfe qui marchait en son sens opposé et elle le percuta sans trop de violence mais assez fortement pour qu'elle eu un mouvement involontaire de recul et un cri de surprise.

- Ha! Excusez-moi. fit-elle brièvement avant de rajuster sa cape sur ses épaules.

Presque sans un regard, (d'ailleurs elle n'avait pas vu que c'était un Elfe qu'elle venait de bousculer) la jeune Néko continua son chemin mais elle s'arrêta soudainement pour faire demi-tour et demander à l'homme:

- Vous n'auriez pas une embarcation de petite taille à me prêter?

Son regard intensément vert se posa dans les yeux de son interlocuteur. Elle laissa alors ses pupilles glisser subrepticement sur ses oreilles et remarqua que c'était bel et bien un Elfe. Elle en avait déjà vu et son visage, beau, lisse, agréablement taillé ne l'avait pas trompée et elle venait tout juste de vérifier aussitôt sa pensée. La jeune Néko s'appuya sur une jambe et attendit la réponse de l'être sylvain ravie d'être tombée sur quelqu'un qui lui semblait exceptionnel.

Il était encore là, à marcher tranquillement, avant d'être bousculé accidentellement. Devenant rouge de gêne, prenant la faute comme sienne, il bafouilla quelques mots inaudibles à l'excuse de la Neko. Ancrant son attention sur le chemin devant lui, il sursauta au retour de la femme-chat, tellement concentré qu'il était. Rougissant à nouveau, il marmonna :

« Oh, heu, non... Non, désolé, je viens tout juste d'arriver, en fait, et je quittais le port... J'imagine que, en demandant... Certains pêcheurs ou certains navires vous laisseront embarquer... quoique vous soyez une femme, quand même, et ces hommes, vous savez... les superstitions... »

Après avoir penché la tête vers le bas au début de la conversation, il la releva haute pour la suite :

« Mais... vous savez... pour l'accrochage, c'est moi qui suis désolé, ça n'était pas votre faute, c'est moi qui, étourdi, vous ai accidentellement bousculé ! dit-il, avant de continuer. Par curiosité, qu'est-ce que vous venez faire ici ? Je veux dire, pas que je veuille me mêler de vôtre vie, mais c'est que si je n'ai pas d'embarcation, peut-être pourrais-je me montrer utile ! »

Il remarqua furtivement, ou peut-être pas, ce qui semblait être un regard analytique de la Neko. Mal à l'aise un peu, il prit une posture un peu plus fermée, se dandinant légèrement sur ses pieds, remarquant à l'occasion une forme semblable à une arbalète, sans toutefois en être sûr, dépasser de la cape de la femme.

Tandis qu'elle l'observait, l'Elfe tentait de balbutier quelques mots pour répondre à sa question pressée et se mit à s'excuser platement pour la bousculade. Naïka lui sourit alors qu'il essayait de lui donner des informations. Il parla rapidement de la possibilité qu'un pêcheur lui prête une embarcation mais il y avait un problème: c'était une femme. La jeune Nékos leva les yeux au ciel et l'écouta continuer sans l'interrompre. Il s'excusa encore platement pour la bousculade et lui proposa son aide.

- Ce n'est pas grave ne vous en faites pas, c'est juste que je suis pressée. fit-elle avec des gestes désinvoltes de la main. Quant au problème des superstitions, ha! Les hommes peuvent bien en avoir! Je dois être plus robuste que la plupart de ceux d'ici qui se cramponnent à leurs mâts à la moindre brise! J'embarquerais par la force s'il le faut!

La Nékos regarda autour d'elle en restant devant l'Elfe pour lui parler tout en cherchant des yeux un quelconque marin ou un bateau qui lui semblerait susceptible de tenir en haute mer.

- Vous rendre utile? Peut-être si vous avez le pied marin et l'âme bien accrochée! C'est que je chasse le dragon bleu moi! Je ne peux pas me permettre d'emmener n'importe qui sauf votre respect! Même si j'ai besoin d'appâts, je n'ai pas le coeur assez noir pour jouer avec la vie d'autrui!

Les oreilles pointues de la jeune femme se dressaient sur sa tête pour écouter le vent et les murmures des marins dans la brume du port. Elle sentait que le temps allait être clément cet après-midi: la tempête ne viendrait pas la déranger.
Ramenant son regard d'émeraude sur l'Elfe, elle posa ses mains sur ses hanches pour se repositionner de manière confortable.

- Je n'ai pas beaucoup d'argent sur moi et si aucun homme ne veut bien me prêter un bateau, je ne compte pas attendre plus longtemps! La bête risque de s'enfuir trop loin! Vous pourriez m'être utile...oui...mais que voulez-vous en échange? Moi je vais être clair, je veux la tête de ce dragon, dois-je y perdre la vie!

La Nékos semblait folle. Vouloir tuer un dragon marin, seule, sur un bateau qu'elle allait certainement voler par manque d'argent...c'était assez fou pour rebuter n'importe qui. Ainsi était Naïka, elle n'allait pas par quatre chemins pour exposer ses plans. Audacieuse et un poil inconsciente, la jeune femme était toujours très directe.

S'étant calmé, droit et sérieux, il avait écouté les premières paroles de la néko avec intérêt. Mais lorsque celle-ci mentionna la chasse au dragon bleu, l'elfe ne put s'empêcher grand les yeux. S'il était vrai qu'elle avait probablement plus de coeur au ventre que beaucoup qui naviguaient sur ces étendues de bleu, elle n'en demeurait pas moins seule...

Mais il y avait le nouveau, mais il y avait l'aventure, mais il y avait le plaisir... Il prit la parole avant même d'avoir complètement pris sa décision :

« Je n'ai malheureusement que très peu d'argent, il est vrai, mais... »

L'étincelle qui flottait dans les yeux de la femme-chat, illuminant son visage, ne demandait qu'à se répandre, qu'à répandre l'aventure. Il était vrai que Kiliän n'était pas le plus costaud, ni le plus solide, mais il n'était pas le plus frêle pour autant. Eh puis si la dame le lui avait proposé de cette façon tout de même indirecte, c'était peut-être parce qu'elle voulait bien de lui ! Il dirigea à nouveau son regard sur Naïka.

« C'est d'accord. Si vous voulez bien de moi, alors je serai avec vous. Sans argent, vous comptez faire quoi et comment, pour aller en mer ? Si le coeur marin d'un marin ne s'ouvre pas à notre demande ? Mieux vaut réfléchir le plan avant d'agir, après tout... »

La Nékos, quoique peu sociale, fut ravie de s'être trouvé un compagnon, elfique de plus, qui pourrait éventuellement l'aider dans sa quête. Il semblait assez hardi puisqu'il acceptait sans gage de récompense de venir avec elle. Ses dons elfiques allaient certainement pouvoir les aider, l'ouïe, la vue...et la Nékos ne se sentirait pas trop seule sur son bateau en pleine mer.

- Ha! Vous me voyez heureuse! Vous êtes bien téméraire à vouloir accompagner une personne aussi folle et inconnue que moi dans une pareille entreprise!

La jeune femme regarda alentour: non décidément, aucun navire ne leur serait loué ou même vendu puisqu'il n'y avait là que des pêcheurs occupés ou des bateaux qu'ils ne pourraient pas conduire à deux.
Elle remarqua alors un petit bateau de pêche avec deux belles voiles neuves. Le capitaine venait de décharger l'avant dernière caisse de poissons frais pour le marché du port ou de Covent Garden. La Nékos le montra de la tête à l'Elfe.

- Voyez! Celui-ci fera l'affaire! Occupez le marin pendant que j'investis le bâtiment!

Sans attendre de réaction de la part de son nouveau compagnon d'aventure, la femme-chat se dirigea vers le bateau. Vite fait, alors que le marin avait la tête dans ses caisses sur le port, agile comme un félin, elle monta discrètement sur la passerelle et se retrouva sur le petit pont du navire.
Espérant que l'Elfe attire l'attention de l'homme d'âge moyen, elle commença à remonter les voiles, tourner un peu la barre pour dégager le bateau d'un voisin et elle se posta sur le pont pour larguer les amarres.
Pour cela, elle avait besoin que l'Elfe détache la corde de la bite d'amarrage sur le quai et qu'il se dépêche de montrer à bord avant que le vent n'éloigne trop le pont de ce dernier.